Le rien n'est jamais rien : Six mois de silences
L'absolu du rien existe t-il vraiment ? Depuis juillet, rien, je n'ai rien écrit sur ces pages libres de mon cerveau, tout simplement parce-que le rien ne fut pas rien. Même quand il n'y a rien, il y a toujours beaucoup. Le rien n'est jamais absolu, un ensemble vide n'est jamais tout à fait vide. L'air est parfois esprit et empli à lui seul le vide dont on ne sait réellement définir la matière, la surface, le volume. Serait-il finalement peut-être infini ? Faire silence est agir également à vrai dire car les silences sont une parole à eux-seuls et je me dis parfois que les silences sont nécessaires à partir du moment où il existe une contrepartie à leur existence, pour en justifier le bon usage. La créativité évolue par phase et le thermomètre de la conscience présente parfois un ton trop grave, un niveau trop bas pour qu'on puisse en conserver le goût d'en rire et d'en alimenter le réservoir de sa plume.
Six mois, silences...Tant pis si ceux-ci n'auront pas été l'occasion de planter mes six lances favorites dans le paysage internet ; il faut bien le dire tout de suite que mes freins à l'expression ne furent pas des affaires pointues à résoudre mais tout juste au contraire, des histoires bénignes à la limite parfois du ridicule, bien précisément très chronophages. J'ai failli me planter au moins six fois à l'approche de décisions importantes mais le choix des silences fut paradoxalement le meilleur, justement en me préservant par le refus de les lancer à tout prix sur six balances à la nature incertaine, le contexte de chaque affaire me paraissant si peu équilibré, si risqué.
Au moment où j'ai choisi d'être trois semaines out, en plein milieu du mois d'août et cela jusqu'aux premières grandes déchéances de novembre de la plus valeureuse des références divines égyptiennes, entre l'espoir et le déchoir, entre le calinoir et le hachoir, j'ai vu entre l'effet séchoir du soleil et l'effet arrosoir des jours de pluie, foule d'épreuves s'abattre, pour savoir enfin que la fin elle-même n'est pas une notion d'absolu et ne conduit par forcément sur le rien, synonyme raccourci du néant, tel qu'on l'imagine trop souvent. C'était en septembre, lorsque je cherchais la voie à suivre, le sceptre de mes certitudes à la main après avoir côtoyé de si près dans le reflet de tes beaux yeux, l'ambre des plus hauts conifères de l'Alsace. Las, je me suis résolu à déposer cette lanterne, en cette église de Gerberoy, dans l’obscurité de la chapelle de la Sainte-Vierge. Suis-je l'écrivain de ma vie ou existe t-il plus humblement un écrivain de ma vie auquel il faille soumettre ses voeux ? Il serait de ma première angoisse, âme sœur chérie, la persistance de la virginité de la première page de notre roman d'amour. Quand l’opprobre acide d'octobre me toucha mortellement à la poitrine, telle la tragédie du Cid de Corneille, cela faisait un bail de plus que nous n'honorions pas pour éviter de déchanter ultérieurement face aux renards de l'immobilier puisque jusqu'à la preuve du contraire, notre courage pour défendre notre fromage n'avait rien de rapprochant avec le bâillement aux corneilles. Au coin de La Fontaine où il est bon de boire au milieu de tant de déboires, le rien n'est jamais rien.
La gerbe du génie humain demeure celle de Jung, roi de la psychologie des profondeurs. Je me souviens ma belle fleur, au détour d'un chemin de Wingen, en opérant une marche arrière délicate, l'une des roues de ton véhicule s'est enfoncée accidentellement dans une cavité, déclipsant une infime partie de ton pare-chocs. Les événements ultérieurs à cette manifestation seront autant de clignotants affirmant la signification de ce symbole : Ne plus jamais reculer face à l'adversité car tout recul sera lourdement sanctionné. Les couples est un monde découpé en deux catégories : Ceux qui se resserrent pour tenir face à l'adversité et ceux qui se disloquent rapidement face aux mêmes forces contraires. Les six derniers mois de silences auront eu ce mérite de démontrer que le rien n'est jamais rien ; les épreuves ne sont jamais rien car elles sont très justement un tout pour bâtir. De la grande battue pour réunir les précieux matériaux d'un avenir bâti courageusement aux âmes abattues par le découragement, nous demeurons tout de même libres de choisir...