Réalisme

Les périodes de vacances sont toujours l’occasion de faire le vide, au milieu de la nature et des fleurs, pour l’interrogation si difficile à instaurer dans le flux courant de la labeur des 48 semaines restantes. Heureux homme je le suis, d’être entouré de personnes au spirituel intense ayant foule de sujets de conversation pour mener à bien cet utile inventaire. Chaque instant de la vie apporte sa cure de réalisme sur un humus préliminaire d’espérances. L’inespéré n’est jamais très loin quand celle-ci nous en fait cadeau car sur plusieurs points de mon présent, j’ai eu le droit à mes surprises. L'existence d’une certaine forme de punition n’est jamais éloignée non plus quand on rêve car j’aurai le droit aussi comme tout le monde à mon wagon de désillusions. Il convient de ne jamais en exiger de trop de cette vie ici bas au risque d’être frustré, quand elle offre déjà tant de ces petits bonheurs surprenants qui constituent la colonne vertébrale entretenant notre motivation comme de nos aspirations pour aborder ce qui reste de notre devenir potentiel. 40 ans, un âge qui impose la première des réalités : les 20 prochaines années seront les dernières les plus belles avant l’annonce du crépuscule de nos capacités à progresser encore, tout du moins ceci étant en général ce que nous espérons tous car nul ne peut prédire l’horizon avec certitude. 

Nous avons tous été programmés pour une réalisation bien personnelle que nous ne maîtrisons pas toujours consciemment et le fait simplement d’être un parent tardif d’une jeune pousse à élever, incite souvent à accepter que renouveler cette merveilleuse expérience de donner la vie sera sans doute compromise par notre dépendance à l’histoire collective. Ainsi, en toute modestie, au regard du prévisible avenir, terrible, de notre orange bleue, il est éclairé de ne jamais s’éloigner de cette sagesse visant à préférer la qualité sur la quantité. La tentation est si forte de fléchir vers la quantité ; plongeon finalement presque dramatique dans une certaine forme d’égoïsme pour satisfaire son ego, courant point de départ probable de viser dès lors vers de nouvelles difficultés, c’est à dire des sacrifices potentiellement bien douloureux au cours d’une enfance, susceptibles d’etre mal compris et de laisser des traces profondes que les susceptibilités exacerbées de l’adolescence viendront bien souvent réveiller. Je souhaite être un parent prévenant, attentionné et digne ; ceci commence donc par se détourner de toute forme de velléités trop personnelles afin de se plier le plus souplement au réel.

Comme tout parent, j’éprouverai sans doute les délicieuses phrases tantôt légères,  tantôt sentencieuses que l’on réserve à la naissance du premier enfant car dans le modèle Français, nationaliste et religieux, on n’aime pas beaucoup les enfants uniques, ni les parents qui n’aspirent pas à procréer davantage. Des représentations négatives que l’on doit aux événements de 1870 et 1914-1918. Mais telle est la juste réalité d’une société compliquée nécessitant des besoins en engagement, en temps et en patience considérablement majorés. Et j’ai bien peur que la révolution sociale profonde annoncée pour les 20 prochaines années soit vouée à défendre davantage ma prise de position. Quand ma jeune pousse aura 20 ans, femme et adulte, possible que bien des choses me sembleront dès lors mystérieuses sur le plan sociétal étant donné que le monde d’aujourd'hui aura été balayé par un futur se définissant déjà un peu depuis la pandémie.